Tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre désormais droit à congés payés.
Se conformant à la règlementation européenne, la Cour de cassation juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident au-delà d'un an.
L'article L. 3141-3 du code du travail prévoit que chaque salariés a droit à 2.5 jours ouvrables de congés payés "par mois de travail effectif". Il résulte de ce texte que les périodes de suspension du contrat de travail ne donnent pas droit à l'acquisition de congés (sauf périodes et suspension assimilées à des périodes de travail effectif, notamment congés maternité, paternité, accident du travail ou maladie professionnelle).
Ces dispositions sont en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne : la directive 2003/88 du 4 novembre 2013 prévoit que tout travailleur a droit à des congés annuels payés d'une durée minimale de 4 semaines.
La CJUE juge par ailleurs de façon constante que si, en principe, les droits à congés peuvent être déterminés au regard des seules périodes de travail, une période d'incapacité de travail doit également être prise en compte lorsqu'elle est "imprévisible et indépendante de la volonté du travailleur". Ainsi le texte européen s'oppose à la réglementation nationale ne permettant pas l'acquisition de droit à congé payé en cas d'arrêt maladie.
LA NOUVELLE POSITION DE LA COUR DE CASSATION
En 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que l’article 31 § 2 de la Charte précité est directement invocable par un salarié dans un litige qui l’oppose à son employeur de droit privé, et que le juge national doit alors laisser inappliquée la réglementation nationale non conforme (CJUE 6 nov.2018 aff. 569/16 ).
C’est dans deux arrêts du 13 septembre 2023 que la Cour de cassation vient de faire évoluer sa jurisprudence : Elle juge désormais que le salarié peut acquérir des droits à congés payés pendant les périodes de suspension de son contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle ou pour cause de maladie professionnelle ou accident du travail, au-delà d’un an ininterrompu.
QUELS CONGES SONT CONCERNES ?
Sont concernés l’intégralité des périodes de congés légaux (soit 5 semaines), conventionnels, y compris les congés conventionnels pour ancienneté, en raison de l’âge ou d’un handicap. Cependant, cela n’a pas d’impact sur le nombre de jours de repos ou RTT car la législation sur les congés payés n’est pas applicable en matière de durée du travail.
L’APPLICATION IMMEDIATE A LA PERIODE D’ACQUISITION EN COURS
La solution s’applique dès maintenant aux litiges en cours. Toutes les entreprises sont concernées par la solution et doivent, dès à présent, s’y conformer et prendre en compte les périodes d’absence pour maladie pour déterminer le nombre de jours de congés annuels de leurs salariés, pour la période d’acquisition en cours (1/06 au 31/05).
LA QUESTION DE L’APPLICATION RETROACTIVE
Se pose la question de la prescription applicable à l’action en rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a une nature salariale et qui suppose une prescription sur une période de 3 ans. Le point de départ de cette prescription est désormais l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que :
◼ l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement
◼ et ce, afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé.
La difficulté est que ne sont pas définies les « diligences qui incombent à l’employeur pour assurer la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé », ce qui pourrait amener à penser que le délai de prescription n’a pas commencé à courir.
Concrètement, un salarié en arrêt maladie non professionnelle pendant 1,5 ans aurait acquis 45 jours de congés payés sur cette période (18 mois x 2,5) qu’il devrait prendre, à l’issue de son arrêt, sans que puisse lui être opposée la clôture de la période de prise des congés applicable dans l’entreprise car il doit bénéficier d’un droit au report.
Une des solutions pratiques pourrait être de limiter dans le temps la période de report des congés non pris, ce qu’accepte la jurisprudence européenne. Cependant à ce jour, le législateur français n’a pas fixé de limite au report des congés payés acquis dans un tel cas de figure.
(Source : Mazars)

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